Amélie nous confie son histoire de mère et son expérience récente avec sa dernière fille.
Elle vient d'apprendre que Gladys est atteinte d'une des maladies génétiques les plus fréquentes : le syndrome de DiGeorge. Elle nous livre avec courage l'épreuve qu'elle traverse avec son bébé de 1 mois.
La maternité à l'épreuve de la maladie : le syndrome de DiGeorge
Amélie, présentez-vous en quelques mots :
Je m'appelle Amélie, j'ai 32 ans. Je suis la maman de 5 enfants, Tess 7 ans, Marcus 4 ans , Ysée qui va sur ses 3 ans , Gladys qui a 1 mois, et Tom un bébé ange décédé l'année l'année dernière durant ma grossesse (IMG : Interruption Médicale de Grossesse à 5 mois).
Je suis également l'épouse d'un officier de l'armée de terre Michaël. Jusqu'à l'année dernière je travaillais en tant que responsable de service commercial dans un cabinet d'ingénierie de la santé. Depuis le décès de notre fils l'année dernière, j'ai décidé de prendre un congé parental afin de profiter du plus important à mes yeux : mes enfants.
Nous avons déménagé plusieurs fois vivons aujourd'hui dans une petite ville en Lorraine.
Comment avez-vous appris la maladie de votre fille?
Mes 3 premiers enfants sont en bonne santé. J'ai eu quelques complications lors de mes grossesses mais qui n'ont eu aucune incidence sur mes enfants. L'année dernières lors de ma deuxième échographie, le sage-femme a découvert des oedèmes sur tout le corps de mon bébé. Ensuite une cardiopathie et enfin le syndrome de Down. Je pourrai vous raconter la suite des événements qui m'ont conduit à devoir prendre la lourde décision de l'IMG mais ce n'est pas le sujet.
Quand je suis retombée enceinte très rapidement, deux mois après mon IMG, j'étais forcément très anxieuse. J'ai eu le droit au DPNI (diagnostic prénatal non invasif) ainsi qu'à des échographies très poussées avec une spécialiste du CHRU de Nancy.
Toutes les échographies étaient parfaites, ma fille était à chaque fois pile dans la moyenne pour tous les paramètres. On allait jusqu'à me dire que c'était des échographies à mettre dans les revues médicales.
A la fin de ma grossesse, à 7 mois environ, le sage-femme qui me suivait et me faisait les échographies en alternance avec la spécialiste, m'a diagnostiqué une légère hydramnios (trop de liquide amniotique). J'ai ressenti une réelle panique à cette annonce. On m'a prescrit des examens complémentaires (diabète, recherche cmv...) mais tout était normal.
On m'a rassurée ; pourtant je sentais bien qu'il y avait un problème. Ensuite, tout s'est bien déroulé jusqu'à l'accouchement.
Dès l'accouchement, mon bébé a eu des problèmes de respiration et d'alimentation. Ce qui l'a conduit dès le 2ème jour en réanimation pendant 1 mois, puis en soins intensifs. Nous sommes à ce jour toujours à l'hôpital. Elle aura bientôt 2 mois et n'a connu que ça depuis sa naissance. A cause de la pandémie de covid, aucune personne de la famille n'a pu la rencontrer, même pas ses frères et soeurs.
Ma fille est atteinte du syndrome de DiGeorge.
Le syndrome de DiGeorge implique, dans la plus part des cas, des problèmes cardiaques (ce qui par chance n'est pas le cas de ma fille), des problèmes ORL (laryngomalacie : larynx mou qui lui fait faire des fausse routes), des problèmes neurologiques (elle n'arrive pas à synchroniser la déglutition et la respiration pour s'alimenter), des particularités physiques, et surtout un déficit immunitaire. Gladys a très peu de globules blancs, les lymphocytes T, pour lutter contre les bactéries, ou certains virus par exemple.
Cette annonce a été faite un soir par notre généticienne dans la chambre de Gladys. J'étais seule car mon mari était reparti travailler. Cela n'est pas le protocole pour ce type d'annonce mais le jour là, j'ai littéralement harcelé le secrétariat de ma généticienne afin qu'elle vienne me voir. J'étais morte d'angoisse, je devais simplement savoir, pourtant je l'ai redouté.
Je pense que dans cette épreuve, l'attente a été vraiment une des étapes les plus compliquées à gérer pour moi. Je sais que dans notre malheur nous avons tout de même de la chance car certaines familles restent sans réponses pendant de longs mois, voire des années.
Étrangement, ce jour-là dans mes recherches sur les différentes maladies, j'étais tombée sur une maladie avec des symptômes qui ressemblaient pour certains à ceux de Gladys, cela m'avait vraiment interpellée et j'avais envoyé la revue médicale à Michaël par message.
La généticienne est arrivée avec un petit sourire, ce qui je l'avoue m'avait rassurée car on annonce rarement une mauvaise nouvelle avec un ton joyeux...
Elle s'est assise en face de moi et n'a pas tergiversé en m'indiquant tout de suite que l'analyse avait révélé une anomalie sur le chromosome 22. J'ai fait de suite le lien avec les articles que je venais de lire et lui ai demandé s'il s'agissait du syndrome de la délétion 22q11.2 (honnêtement je ne me rappelais plus des chiffres mais surtout de certains symptômes). Mais surtout, je me suis rappelée que l'espérance de vie n'était normalement pas réduite. Elle a acquiescé tout étant étonnée.
Il s'agit du syndrome de DiGeorge. Pour essayer de faire simple il manque à Gladys une partie de son chromosome 22, donc concrètement une partie des gènes. Cela à une incidence également sur les autres chromosomes et chaque porteur compense différemment cette perte. C'est pourquoi il y a plus de 150 symptômes associés à ce syndrome. Chaque personne n'a pas les 150 symptômes, heureusement. Le syndrome s'exprime également à des échelles différentes, d'une atteinte grave à quasiment imperceptible.
Les médecins nous ont clairement dits que le probabilité d'avoir un enfant porteur du syndrome de Down puis un enfant porteur du syndrome de DiGeorge était nul, mais c'est arrivé quand même. Un autre médecin nous a chuchoté que, peut-être, notre famille était destinée à accueillir et accompagner un enfant différent. C'est la seule chose que j'ai envie de retenir.
Au moment de l'annonce , j'ai ressenti un vrai soulagement. Certes, ma fille était différente, certes le tableau de notre vie ne serait sans doute pas celui que nous avions imaginé, mais elle allait vivre. C'était la seule chose qui m'importait.
Son handicap en quelque sorte était déjà accepté. De toute façon, pour mon mari et moi, elle est parfaite depuis le début ! Je comprends que cela puisse être un effondrement pour certains parents, car cela remet en cause les projets de toute une vie, mais sincèrement cela ne l'a pas été pour nous. Nous avions envisagé tellement pire ces dernières semaines. Je dois avouer quand même que cette la situation est très fatigante.
Qu’avez-vous entreprit comme démarche lors de cette annonce ?
La généticienne nous a dit qu'elle prenait le rôle de référente pour Gladys, c'est-à-dire que c'est elle qui va piloter les RDV avec les différents spécialistes, et qui remplira les dossiers médicaux pour les différents organismes.
L'hôpital m'a également mise en relation avec l'assistante sociale pour monter le dossier MDPH. J'ai contacté nos mutuelles pour pouvoir bénéficier d'une aide ménagère car depuis deux mois nous sommes en alternance à la maison ou quasiment pas. Nous essayons aussi d'être présent un minimum pour nos 3 autres enfants mais ils sont clairement pénalisés par la situation. J'ai dû me résigner à les mettre à la cantine et à l'étude, même pour ma petit fille de 2 ans 1/2 qui est en TPS.
Je me suis aussi rendue sur des forums. C'est après avoir consulté ces témoignages que je me suis dit qu'il y avait un réel problème.
Concrètement, ce syndrome est très mal connu, ce qui a de nombreuses conséquences. Le syndrome de Down est aujourd'hui assez médiatisé, la plupart des personnes le connait, on arrive à présent petit à petit à détricoter les stéréotypes et c'est formidable ! Même s'ils sont encore parfois stigmatisés, j'ai le sentiment qu'il y a une réelle ouverture d'esprit collective. Mais ce n'est pas le seul syndrome, et il est important que les autres soient également pris en compte.
Je n'ai pas compris pourquoi je n'avais jamais entendu parler du syndrome de DiGeorge qui est pourtant l'un des plus répandus après celui de la trisomie 21.
Nous nous sommes vite rendu compte que même dans le monde médical, il n'est pas connu. En premier lieu, les infirmières du service de néonatalogie ou hôpital d'enfant, pour la plupart, ne le connaissent pas. Nous n'avons pas trouvé, à ce jour, un kinésithérapeute autour de chez nous qui connait ce syndrome pour la prise en charge ; le médecin traitant non plus ne le connaissait pas ...
Ma fille étant sévèrement touchée, elle a été prise en charge tout de suite. Certaines familles découvrent le syndrome de leur enfant bien tardivement, à 10 ans , 15 ans... Ou même 40 ans pour certaines personnes. Les médecins traitants n'étant pas formés ne s'orientent pas vers ce type de maladie, et la prise en charge n'est pas faite correctement.
Or, on sait à présent que plus la prise en charge est précoce, plus la personne à la possibilité de développer son potentiel, de palier à certains troubles, ou même d'éviter le décès (problème cardiaque non décelé par exemple).
Quelle aide et soutien auriez-vous aimé avoir ?
Nous avons la chance d'être entourés par une famille très présente. Nos amis également, même si nous les voyons pas à cause du Covid, nous témoignent leur amour. En ce qui concerne la prise en charge, elle est pluridisciplinaire : nous habitons en ville et proche d'un grand hôpital où Gladys a pu voir les différents spécialistes.
Je sais que cela doit être plus difficile pour les familles qui habitent en milieu rural . Nous avons dû tout de même passer des nuits sur une chaise à côté de notre enfant pour ne pas la laisser seule car il n'y avait pas de chambre "parents" libre à l'hôpital. Nous avons changé 3 fois de service / hôpital.
Je souhaite toutefois mettre en lumière certaines infirmières qui se dévouent pour leur petit patient. Certaines ont été génialissimes avec Gladys. Certaines ont pris de leur temps précieux pour m'écouter.
L'assistante sociale a pris en charge notre dossier MDPH, mais en ce qui concerne le reste nous devons nous débrouiller seuls. L'administratif est très lourd, surtout pour les dossiers.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Je dois avouer que pour le moment j'ai du mal à me projeter. Ma fille est encore hospitalisée, elle a attrapé un norovirus qui l'a faite décompenser et régresser. Elle ne s'alimente plus par biberon, les soignants ont du reposer une sonde. L'équipe médicale nous a avertis que malheureusement cela arrivera à chaque infection.
Malgré tout, j'ai envie de croire à un avenir heureux avec beaucoup de moments de joie. J'ai la conviction qu'elle évoluera dans le bon sens et qu'elle déjouera tous les pronostics. Nous sommes déterminés son père et moi à l'accompagner en tout cas sur ce chemin.
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