Nous avions plein de questions à lui poser sur ces troubles qui touchent 60.000 personnes en France (8.000 nouveaux enfants sont dépistés chaque année), et c'est avec beaucoup de clarté qu'elle y a répondu et nous l'en remercions. Eclairage sur un sujet mis en lumière chaque 2 avril.
Anne-Cécile BAUR-TILLY est psychologue auprès d’enfants et d’adolescents avec troubles du spectre autistique depuis plus de 15 ans. Elle travaille au SESSAD AIDERA qui dépend de l’association Autisme-en-Ile-de-France.
Un SESSAD est un Service Educatif Spécialisé de Soin A Domicile. Celui-ci est spécialisé dans l’autisme et accompagne des jeunes de 3 à 20 ans, que ce soit à leur domicile, dans leur école, collège, lycée, université, leur centre de loisirs, sur leur lieu de travail. Il intervient également auprès des familles pour les guider au quotidien.
Qu'est-ce que l’autisme ?
On parle de troubles du spectre autistique car ce trouble s’exprime de nombreuses manières différentes. C’est un trouble neuro-développemental avec des causes multiples (neurologiques, génétiques, environnementales) encore mal identifiées.
Ce qu’il est important de retenir c’est que ce n’est pas le parent et son comportement qui sont en cause dans l’autisme. L’enfant naît autiste. C’est une altération des comportements sociaux, de la communication et du langage à laquelle est associé un caractère restreint et stéréotypé des comportements et des intérêts.
Il faut bien comprendre que le cerveau de la personne avec autisme appréhende l’environnement d’une manière très différente de la nôtre, au niveau des 5 sens (odorat, goût, vue, tact, ouïe) mais aussi sur le sens vestibulaire (traitement du mouvement et de l’équilibre) et le proprioceptif (perception de la position des différentes parties de son corps). C’est cette manière particulière de traiter l’information qui génère les troubles apparents.
A quel âge en moyenne sont dépistés les enfants ? Que peut-on ou doit-on faire avant 3 ans ?
En France, le diagnostic est souvent trop tardif alors que les premiers signes sont visibles dès l’âge de 18 mois. Il est extrêmement important de diagnostiquer le plus tôt possible pour stimuler l’enfant et espérer réduire la sévérité des symptômes.
En effet, plus l’enfant est jeune et plus le cerveau est malléable. Il existe en France des CRA (Centre Ressources Autisme) qui peuvent indiquer des lieux de diagnostiques et de prise en charge précoce.
Quels sont les symptômes de l'autisme, notamment avant 3 ans ?
L'enfant aura un développement différent des autres : langage, communication non verbale, sont à observer. Un grand décalage avec la moyenne peut alerter.
En effet, la communication, au-delà de la parole et du langage, se met normalement en place très tôt dans le développement du bébé. Le bébé regarde très tôt le visage de ses parents, puis dans les yeux. Vers 9 mois, il réagit quand on l’appelle par son prénom. Avant 18 mois, il cherche à partager ses intérêts soit en pointant des choses, soit en tendant un objet vers la personne… Il s’intéresse à ce qu’on lui montre : il regarde la personne puis oriente son regard dans la même direction que l’adulte quand celui-ci lui montre un objet.
Le jeu de faire-semblant peut être aussi un indicateur : est-ce que vers 12/18 mois, votre enfant prend des objets pour faire semblant (manger – prendre le balai – mélanger dans une casserole – faire de la musique…) ?
Enfin le langage, avant même de parler, un enfant comprend généralement beaucoup de mots et on peut facilement lui dire d’aller chercher son doudou, ses chaussures, de donner son biberon, sa cuillère... Ensuite, il dit ses premiers mots et le développement du langage va très vite.
Un enfant qui ne dit aucun mot à 18 mois, cela indique qu’il y a un problème dans le développement du langage (trouble du spectre autistique ou un autre trouble du développement).
Quelle est la prise en charge pour les enfants autistes ?
La prise en charge est individualisée et pluridisciplinaire (psychomotricité, orthophonie, accompagnement éducatif voire psychologique sur un versant cognitif et comportementaliste).
Il sera privilégié la stimulation de l’enfant que ce soit au niveau sensoriel, cognitif, moteur, communication par le biais du jeu, de l’imitation, de la manipulation…Si l’enfant est difficile à mobiliser, des systèmes de renforcement des comportements pourront être mis en place via des techniques plus comportementalistes (ABA – Modèle de Denver).
En parallèle, l’éducation structurée est aussi très utile dans le quotidien. Cela revient à donner des repères visuels à l’enfant que ce soit dans ses apprentissages, dans son espace de vie ou par rapport au temps (Méthode TEACCH). Les techniques/méthodes citées sont recommandées par la HAS (Haute Autorité de Santé).
Quels sont vos conseils aux parents d'enfants autistes ?
Dans mon expérience, j’ai souvent entendu le récit de parents qui s’étaient inquiétés très tôt du développement de leur enfant et à qui on avait répondu qu’ils s’inquiétaient trop, que « ça va venir ». Alors même si cette réponse est rassurante, souvent la question qu’ils se posent est légitime et il faut effectuer d’autres recherches. Dans le carnet de santé de votre enfant, il y a des repères développementaux qui sont fiables et si votre enfant ne les remplit pas, à l’âge correspondant, il est nécessaire de comprendre pourquoi.
D’une manière générale, ne pas croire aux méthodes miracles. L’enfant progresse, avance, apprend, mais « il ne sort pas de l’autisme » et « il ne guérit pas ». Il garde des particularités de fonctionnement et une manière toute singulière d’appréhender son environnement.
Pour aller plus loin, voici mon site préféré pour s'informer et comprendre l'autisme : https://www.participate-autisme.be/fr/